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Gaïa et Pierre Robin, un syndrome rare et peu connu

Je m'appelle Valentine, je vis au Maroc et je suis la maman de Gaïa une petite fille de 3 mois née avec une séquence de Pierre Robin. A la découverte de ma grossesse nous étions confinés et par chance, j'ai trouvé un gynéco spécialisé dans les malformations foetales. C'était particulièrement important pour moi parce que je suis née avec une fente palatine et il n'était pas question que je transmette ca à mon enfant... j'ai eu une grossesse de rêve; au Maroc les échographies sont un peu à volonté alors chaque mois j'allais rencontrer mon bébé et entendre le médecin me dire que tout était parfait. Je choisissais des dates importantes pour les rdv gynéco, comme pour nous porter chance... mon anniversaire de mariage, l'anniversaire de mon père, le mien... bref ! Au Maroc un très grand nombre d'accouchements se fait par césarienne, j'ai donc décidé de préparer moi-même cet accouchement que je voulais le plus naturel et physiologique possible. Puisque mon bébé allait bien, rien ne nous empêcherait de vivre ce moment comme je le voulais. J'ai aussi énormément préparé mon allaitement en lisant, en regardant des vidéos, en m'offrant des cours en ligne... c'était primordial pour moi d'allaiter mon bébé le plus longtemps possible.



Et puis Gaïa est née. D'un accouchement comme je l'avais voulu et préparé. Sans péridurale, après une journée de travail seules à la maison et 15 minutes en salle d'accouchement pour avoir le moins de risque possible qu'on essaye de me convaincre qu'il faudrait faire autrement. Quand Gaïa est née la sage femme l'a posée sur moi et elle est montée jusqu'à mon sein pour téter. C'était le meilleur moment de toute ma vie. Ça a duré quelques minutes puis ils l'ont reprise sans rien me dire. Alors j'ai précisé que je ne voulais pas qu'elle soit lavée. Elle ne revenait pas et à la place c'est une pédiatre et son équipe qui sont venus me voir alors que le gynéco de garde (donc pas celui qui avait suivi ma grossesse) était en train de recoudre mes 2mm de déchirure. La pédiatre a dit plein de trucs très vite. Je n'ai entendu que fente palatine et j'ai hurlé hurlé hurlé. C'était incontrôlable, j'étais inconsolable. Mon pire cauchemar s'était finalement produit. J'ai dit que je voulais ma fille pour l'allaiter et la pédiatre m'a dit qu'elle ne pourrait pas téter. Après l'accouchement et les hurlements, je n'avais même plus la force de crier... les larmes coulaient toutes seules et je répétais pardon pardon pardon... je crois que c'est ce que j'ai le plus dit pendant 24h. Pardon. Pardon de t'avoir transmis cette saloperie, pardon pour toutes les années de galère à venir, pardon d'être si faible devant toi qui est si forte. Je n'ai pas pu voir ma fille pendant les 8h suivant sa naissance. C'est à force d'insister auprès de l'équipe médicale que l'on a pu aller, son papa et moi, la voir en réanimation néonatale. Elle dormait, branchée aux machines (scope, sonde gastrique, oxygène...) dans un lit en plastique avec un radiateur au dessus d'elle. La pédiatre est repassée nous voir et nous a annoncé que c'était plus qu'une fente palatine. Elle a dit syndrome de Pierre Robin, glossoptose, retrognatie et fente palatine. Je me souviens avoir dit à Nabil "c'est ici que la guerre va commencer, il va falloir qu'on se batte très fort."

J'ai passé la nuit a la maternité à pleurer, à tirer mon lait et à chercher des infos sur le syndrome de Pierre Robin. J'ai vu qu'il y avait des risques que ce soit associé à d'autres malformations, j'ai imaginé des scenarios horribles toute la nuit et à 7h la pédiatre est venue pour me dire que la nuit avait été très difficile et que Gaïa avait les côtes déformées. J'ai voulu lui parler de tire-allaitement et elle a dit que ce n'était pas la priorité. J'ai du attendre midi pour voir ma fille après cette première nuit sans elle. Finalement il y en a eu bien d'autres, des nuits sans elle... elle est restée hospitalisée en réa pendant 16 jours. On pouvait la voir de midi à 13 heures et de 18 à 19h. Mes journées et mes nuits étaient complètement à l'opposé de ce que j'avais imaginé. Administration, tirage de lait, visites à l'hôpital et vide, vide, vide. Elle a subit une batterie d'examens et finalement ils ont pu dire qu'il n'y avait rien d'associé. Une séquence de Pierre Robin donc... menton en arrière (retrognatisme) langue qui tombe en arrière (glossoptose) et palais ouvert (fente palatine). Au deuxième jour d'hospitalisation, le médecin lui a installé un tuyau dans le nez qui servait à pousser sa langue en avant et lui permettre de mieux respirer. Et puis j'ai réussi a convaincre l'équipe médicale de lui passer mon lait ds la sonde naso gastrique... Après 16 jours, j'avais vu comment changer le tuyau et Gaïa était plus stable au niveau respiratoire donc nous avons pu rentrer chez nous. Je devais changer le tuyau au bout de 4 jours. Quand ca a été le moment de changer, j'ai été incapable de lui remettre.


On a du partir en catastrophe à l'hôpital pour qu'ils lui remettent... j'avais tellement peur qu'ils la gardent hospitalisée... on a pu rentrer quand même à la maison ensuite mais pas pour longtemps puisqu'elle a été réhospitalisée 3 jours plus tard. Après 3 épisodes de détresse respiratoire où elle était devenue bleue à trois reprises d'affilées, et une nuit à vomir, on est repartis a l'hôpital où cette fois elle a du rester. Elle avait contracté un virus de la gastro qui lui avait fait perdre beaucoup de poids .. 2,6kg .. et sa sonde avait été mal réinstallée donc elle était bouchée... on a du reprendre le rythme des visites 2h par jour a l'hôpital.. ça duré 1 semaine et quand elle est arrivée a presque 3kg elle a pu sortir.


Je continuais de tirer mon lait pour lui donner. J'utilisais un biberon spécial needs et elle prenait 1h pour boire 30 ml... on était fous de joies qd elle buvait 50ml.. Gaïa s'étranglait avec le lait, avec le biberon.. je voyais bien que quelque chose n'allait pas . J'ai essayé d'autres biberons... plein d'autres ! Mr browns , teppee, mam... moi qui ne voulais pas entendre parler de biberons pendant ma grossesse... je me retrouvais avec tous ces biberons différents et la rage au ventre de ne pas pouvoir lui donner mon lait directement... et puis j'étais épuisée.


Mon père est venu nous voir 1 semaine et sans le vouloir , ses remarques et ses conseils m'ont fait perdre pied. J'ai diminuer les tirages. Et j'ai eu une mastite... alors j'ai arrêté de tirer mon lait... je me suis dit qu'il était trop liquide et que Gaïa était habituée au lait en poudre pour me convaincre que c'était la bonne décision. Aujourd'hui, bien sûr que je regrette de n'avoir pas pu allaiter mon bébé... mais j'ai préféré faire passer ma santé physique avant ... j'avais besoin d'être forte et en forme pour m'occuper de ce bébé a besoins si particuliers. J'ai commencé a ne lui donner que du lait en poudre pr bébé prématurés avec un biberon mam. Et les repas se passaient mieux. En sortant de l'hôpital on a direct rencontré une pédiatre en ville qui m'a beaucoup rassurée et qui m'a mise en relation avec le seul chirurgien maxillo-facial du Maroc. J'attendais ce rdv depuis plus d'un mois ! Le chirurgien a aussi été très rassurant, m'a réexpliqué l'opération de la fente palatine en détails et m'a dit qu'il n'interviendrait pas avant ses 1an. Et puis je lui ai parlé de moi, de mon parcours fente palatine suivie a Jeanne de flandres à Lille. Il m'a dit de foncer, d'aller rencontrer les médecins là-bas et de choisir une fois sur place. J'ai pris rdv a Lille et nous sommes parties toutes les deux le jour de ses 2 mois. A Lille on a rencontré la chirurgienne et une partie de l'équipe qui allait suivre Gaïa durant toute son enfance. Bouffée d'oxygène, les rdv qui s'enchaînent seuls sans avoir a chercher a travers le pays des spécialistes qui communiqueraient ensemble... on a décidé que le suivi se ferait en France. Que notre vie serait dorénavant entre la France et le Maroc. Ce retour en France a été une épreuve de plus a vivre pour moi qui suis si attachée a ma vie au Maroc. J'ai du réapprendre a vivre dans mon pays. Avec ma petite. Aujourd'hui Gaïa est très éveillée, elle mange de plus en plus... il y a des jours avec et des jours sans. J'apprends a l'écouter, à la comprendre. Je culpabilise parfois, de prendre des décisions pour elle sans avis médical. Comme la fois où j'ai estimé qu'il fallait lui retirer la sonde nasopharyngée...elle s'est beaucoup fatiguée et je m'en suis voulu. Et puis finalement elle est restée sans.. et ca va de mieux en mieux. C'est ça aussi d'être entre la France et le Maroc : devoir réussir à faire sans médecin juste a coté, parfois... Son poids m'inquiète parfois, elle ne grossi pas beaucoup. Mais c'est une des caractéristiques des bébés spr... les difficultés et la fatigue liées a l'alimentation font des bébés pas très gros. Elle me sourit toute la journée comme pour me dire "ne t'inquiète pas maman, je vais bien." Alors je l'écoute... je la crois. Une maladie rare c'est un coup de tonnerre dans un ciel bleu. C'est des hauts et des bas, des pas de géant et des rechutes qui déstabilisent... j'ai un bébé guerrier, une petite fille qui se bat pour rester en vie et qui me tient en équilibre entre la détresse profonde et la douceur de vivre. Je le sais, ce seront des années entre ces deux là. Alors j'essaye de me nourrir des petites victoires du quotidien et d'attendre le lendemain lorsqu'il y a des jours ou ça va moins bien.

Dans tout ça, moi... j'essaye de ne pas m'oublier. Rien n'a jamais été aussi difficile dans mon couple que ce que l'on doit vivre depuis 3 mois. On est obnubilés par Gaïa, chacun à notre manière, et on s'éloigne et on se le dit. C'est dur d'être parent. C'est dur d'être parents à deux. On nous vend des familles magiques unies sur leur petit nuage a l'arrivée d'un bébé. Mais on parle trop peu de ce bouleversement qu'est la parentalité dans un couplé. On parle un peu sexualité... mais pas du quotidien, de la vie de tous les jours, des papas qui ont peur de casser leur bébé, des papas qui s'en veulent de ne pas savoir rassurer leur bébé si paisible dans les bras de leur maman. On s'apprivoise dans notre nouvelle vie et personne ne nous montre le chemin alors on trébuche on s'emmêle on se se lie et on se délie. Mais Gaïa est là, vivante et belle. Alors on se dit qu'on s'aime et que ça ira.


Quoi qu'il arrive, on a connu le pire.

Et même si c'est tous les trois qu'on a traversé l'enfer, on a emporté avec nous bien des âmes. Les amis, la famille. Tous ces gens qui ont été là et le sont encore aujourd'hui ont fait de cette période un moment plus doux... je suis aujourd'hui remplie de gratitude et s'il y a une chose que je veux faire comprendre et connaître, c'est de dire aux gens de rester. D'être présent et de continuer de donner de l'espoir, de la vie, de l'amour aux parents qui vivent dans un cauchemar. Chacun, avec sa présence à lui, nous a énormément apporté pour tenir la tête hors de l'eau et je leur serai éternellement reconnaissante.

Voilà, c'est le début de l'histoire de ma Gaïa, de ma guerrière, ma si petite. C'est dur de relire tout ça. Mais c'est tellement rempli d'espoir. La vie est belle. Il faut continuer d'y croire. Coûte que coûte. Le soleil revient toujours. Retrouvez Gaïa et sa maman sur le compte instagram @ma.si.petite




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